Par Paul Barelli, Président du CPM06. Journaliste. Reporter à RMC de 1976 à 2002.
Au 16 boulevard Princesse Charlotte, au cœur de la Principauté un ancien hôtel a abrité durant une soixantaine d’années les locaux de Radio Monte Carlo. A cet emplacement- l’immeuble a été rasé pour céder la place à un palace, se sont écrits d’intenses chapitres de son histoire.
Jean-Pierre Foucault, qui reste très attaché à cette singulière station, a conservé, à titre de souvenir, des éclats de pierres de l’ancien immeuble. Le 16 boulevard princesse Charlotte, c’était le « Cognac Jay » de Radio Monte Carlo. Des personnages aussi divers que Francis Blanche, Cilette Badia, Anne de la Valette, dans les années cinquante ; Jean-Pierre Foucault, les journalistes Pierre Lescure, Jean-Michel Desjeunes, Jean-Robert Cherfils dans les années soixante-dix /quatre-vingt ont contribué à la notoriété de cette radio, désormais nationale.
C’est grâce à des journalistes, telles qu’Anne de la Valette que cette station, à nulle autre comparable, a pris son essor. La disparition à 91 ans à Nice de cette femme de cœur ravive des images qui resteront gravées dans la mémoire de toutes celles et ceux qui ont œuvré dans cette maison.
« Si les murs parlaient, ironisaient certains avant la destruction de l’ancien siège de RMC, ils raconteraient d’extraordinaires histoires ! ». Des récits pétris d’humanité. Radio Monte Carlo c’était une grande famille.
Et si la station prospère depuis qu’elle a été reprise par Alain Weill en 2000, le contexte est incomparable. RMC info s’inscrit dans un puissant groupe audiovisuel. Evoquer les personnages les plus emblématiques des années 50 à 80 ce n’est pas nier sa réussite actuelle, mais rendre hommage aux derniers témoins de cette aventure, entamée dans l’immédiat après-guerre.
Une grande voix
Anne de la Valette était une des grandes voix du Radio Monte Carlo des années 50 à 70. D’origine russe, personnalité forte, fidèle en amitié, elle a réussi à s’imposer à une époque où les femmes n’avaient pas leur place dans un monde médiatique très machiste.
Elle a débuté d’abord comme speakerine de 1955 à 1960 où elle lisait les bulletins d’information. Puis, elle a animé jusqu’en septembre 1970 la « Gazette du soleil », émission quotidienne de deux heures d’antenne en direct très écoutée. Anne de la Valette a également animé une émission mensuelle « Musique sans frontière » en multiplex avec une douzaine de pays. En 1970 elle devient journaliste-reporter chargée de couvrir l’actualité de la Côte d’Azur.
Femme au caractère trempé, courageuse elle s’est illustrée particulièrement le 24 octobre 1974 lors d’une prise d’otage à l’aéroport de Nice. Ce qui lui vaudra d’être fait officier de l’ordre national du mérite.
Prise d’otage
Ce jour là, à 6 heures du matin un déséquilibré mexicain de 31 ans Daniel Rey Caruso prend en otage une hôtesse de l’air d’Alitalia, dans le box de la compagnie italienne. Il braque un pistolet sur sa tempe. Ses revendications sont nébuleuses : il demande la liberté de sa femme prisonnière en Italie. A midi, la brigade Anti gang du commissaire Broussard débarque à l’aéroport de Nice.
Anne de la Valette a réussi à contacter par téléphone le preneur d’otage. Elle l’a longuement écouté et a réussi à l’apaiser en établissant un rapport de confiance avec lui.
En accord, avec les autorités policières qui ont fait partir tous les policiers de l’aérogare, Anne de la Valette s’est rapproché de Rey Caruso suivi de près par le commissaire Broussard et six policiers de la brigade anti gang.
Elle raconte dans son livre « Ici Radio Monte Carlo » (éditions Charles Denu. 1977). Elle s’adresse au preneur d’otage.
« Tu vois Daniel, j’ai tenu parole. Je suis venu te chercher. Je t’ai promis que personne ne tirerait sur toi, tu peux me faire confiance. On ne te fera pas de mal si tu rends ton arme. Le commissaire Broussard s’est alors approché et lui a remis un papier qu’il a lu attentivement. Caruso s’adresse de nouveau à moi :
–D’accord je rends mon arme, mais attention, je te fais confiance, si tu me trahis, je ne croirai plus jamais en rien. »
Il m’a tendu le revolver. J’ai hésité à le prendre, encombrée par mon micro. Je lui ai dit « donne le à l’hôtesse. » Elle n’a pas bougé. J’ai tendu la main à Caruso pour qu’il enjambe le comptoir d’Alitalia. Il m’a soufflé : « Merci Anne. » J’ai répondu « Bonne chance ! » Et il est parti tranquillement entre le procureur de la république et le commissaire Broussard. Sans l’intervention d’Anne de la Valette – confiera un policier – le preneur d’otage risquait fortement d’être abattu. Daniel Rey Caruso fut condamné à onze ans de réclusion criminelle.
……………
Le Club de la Presse Méditerranée 06 rend hommage à Anne de la Valette qui présida en 1979-1980 à la première ébauche de ce qui devint en 1999 le Club de la Presse actuel.