En 2008, le groupe GHM rachète à Lagardère les journaux du pôle Sud (Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin et La Provence). 160 millions : tel est le montant de l’acquisition. Pour lever les fonds GHM sollicite son pool bancaire. La dette du groupe GHM flirte du coup avec les 240 millions d’euros. La situation économique du groupe Nice-Matin est alors beaucoup plus saine: un excédent de trésorerie de plus de 14 millions d’euros. Un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros. Et un niveau d’endettement nul.
Toutefois le bénéfice net réalisé en 2008, bien que positif, n’est pas à la hauteur du volume d’activité généré par Nice-Matin et du retour sur investissement escompté par GHM.
Le groupe Hersant va donc proposer aux coopérateurs de la SAPO Nice-Matin un marché de dupe : de nouvelles rotatives contre une réduction des droits à dividendes de la SAPO.
Concrètement, la coopérative ouvrière de Nice-Matin, destinataire de 50% des bénéfices, a accepté de reverser à GHM l’intégralité des dividendes jusqu’en 2022. Ce « sacrifice » doit aider l’actionnaire à renouveller l’outil de production vieux de 30 ans et financer un plan social de 140 départs.
La facture globale de ce plan d’action contractualisé s’est élevée à près de 50 millions d’euros. GHM s’était engagé à trouver les solutions de financement appropriées. Une ligne de crédit en faveur de Nice-Matin devait notamment être ouverte.
Elle n’a jamais été activée…
Le groupe Nice-Matin a dû financer seul l’intégralité de cette restructuration. Pire, Nice-Matin est devenu la victime collatérale des déboires financiers du groupe GHM qui, confronté à l’effondrement du CA de sa filiale Comareg, s’est retrouvé dans l’incapacité de rembourser sa colossale dette.
Du coup aucune banque ne voulait plus prêter d’argent à Nice-Matin, filiale pourtant saine de GHM. Il a donc fallu payer à court terme des investissements… à long terme. Un acte de gestion peu orthodoxe de nature à mettre en danger l’entreprise. Sans même parler du non-respect du contrat entre l’actionnaire et les salariés.
Non seulement Nice-Matin a dû payer seul la facture de 50 millions d’euros sans l’aide du groupe Hersant. Mais, en plus GHM a gravement obéré les capacités financières de sa filiale en prélevant des « management fees » dont la matérialité n’a jamais pu être démontrée en dépit des nombreuses mises en demeure formelles des membres du comité d’entreprise.
La somme totale de ces saignées annuelles dépasse les 12M. Il aura fallu l’arrivée furtive d’un nouvel actionnaire au capital de GHM, le groupe Bernard Tapie, pour que cette politique hasardeuse de « management fees » soit enfin stoppée en 2013. Nice-Matin était alors déjà au bord de la cessation de paiement.
Mais GHM nous avait entre-temps fait un autre cadeau empoisonné. La maison maire du groupe confrontée à une situation financière toujours plus délicate a demandé en 2010 un « moratoire fiscal » sur le paiement de ses charges.
Le problème, c’est que GHM a contraint ses filiales à en faire autant. Pourtant, le groupe Nice-Matin était alors bénéficiaire et donc dans la capacité de faire face à ses échéances fiscales. Aujourd’hui, nous payons une dette qui n’aurait jamais dû être constituée. Nous en payons aussi les intérêts. Et une partie de nos actifs fonciers est toujours hypothéquée pour garantir cette dette.
Des dettes, GHM lui n’en a plus. Au terme d’un protocole d’accord validé par le tribunal de commerce de Paris, le groupe Hersant s’est vu effacer 160 millions d’euros de passif bancaire. En échange de ce joli cadeau consenti moins pour faire plaisir à un « exilé fiscal » que pour assurer la pérennité de ses entreprises et l’emploi de ses salariés, GHM et son nouveau partenaire financier, le groupe Bernard Tapie, se sont vu signifier, fin décembre 2012, par le tribunal de commerce de Paris l’obligation de « soutenir la trésorerie » et d’assurer « le développement économique des entreprises du groupe ».
Engagements une nouvelle fois bafoués. GHM affirme avoir recapitalisé Nice-Matin en juillet 2013 à hauteur de 12 millions d’euros. En réalité aucun apport de cash n’a été réalisé. GHM s’est contenté de tour de passe-passe complexe, basé sur des abandons de créances croisés entre ses différentes filiales pour donner l’illusion d’une recapitalisation.
Certaines filiales ont pu être flouées au passage. Nice-Matin en fait-il partie ? La question se pose depuis que le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire sur les conditions financières de la rénovation du golf familial des Hersant, filiale de GHM avant un opportun transfert de propriété.
Les management fees de « Nice-Matin » ont-ils servi à refaire la pelouse? L’hypothèse d’un abus de bien social n’est pas à exclure. La mise en danger d’une entreprise au travers d’une gestion hasardeuse nous parait en tout cas plus qu’envisageable.
Le non-respect d’engagements contractualisés, auprès des salariés, mais aussi devant le tribunal de commerce de Paris, est quant à lui manifeste. Ces actes de gestion qu’il vous appartient aujourd’hui de qualifier ont conduit le groupe Nice-Matin à la cessation de paiement.
Si elle a été constatée devant le tribunal de commerce de Nice lors de l’audience du 26 mai 2014, cet état de cession de paiement est en réalité effectif depuis octobre 2013. A cette date la direction de Nice-Matin a décidé de ne plus payer ses échéances fiscales (URSSAF, TVA, caisses de retraite…).
Le passif de 3 338 KE constitué unilatéralement par GHM en octobre dernier a été « régularisé » a posteriori dans le cadre d’une conciliation sollicitée ultérieurement à la constitution de ce passif sans autre but que de « maquiller » les comptes de l’entreprise.
Sans cette impasse fiscale la trésorerie de Nice-Matin aurait été négative de 1 521 K en décembre 2013. Par voie recommandée les commissaires aux comptes de l’entreprise avaient d’ailleurs enclenché la procédure d’alerte dès le 25 septembre 2013.
En conseil d’administration les mandataires du groupe GHM ont reconnu ne pas en avoir tenu compte parce que, dixit, « le courrier des commissaires aux comptes a brûlé dans un incendie » (!) Ce tripatouillage financier avait selon nous un seul but : éviter la prise de contrôle de GHM par le groupe Bernard Tapie.
Les deux étaient à cette date toujours co-actionnaires à part égale de Nice-Matin et de la Provence. Ils étaient solidaires, notamment face aux engagements pris quelques mois plus tôt devant le tribunal de commerce de Paris : à savoir le soutient de la trésorerie des entreprises du groupe. Constater alors l’état de cessation de paiement en 2013 aurait mis GHM, mais aussi le groupe Bernard Tapie, devant ses responsabilités.
Peut-être que ni l’un, ni l’autre, n’y tenait. Pour s’en dédouaner, les comptes de l’entreprise ont été mis sous assistance artificielle, au détriment du groupe Nice-Matin mais aussi des contribuables, le temps d’officialiser le divorce entre ces deux partenaires financiers.
Un divorce que les salariés ne veulent pas payer dans le sang et les larmes.
Pour que « Nice-Matin » puisse continuer dans les meilleures conditions et reste le support de la liberté de tous, rouage d’un processus démocratique nécessaire, vecteur de lien social…