J’ai partagé, aux côtés de Jeff, les bancs de l’école des Baumettes, rue Dante à Nice. Cette amitié d’enfance exige de ma part de ne pas verser dans l’éloge assorti de superlatifs ! Tu n’aurais pas aimé, Jean-François.
Tu te souviens que je ne pouvais résister à l’envie, lors de réunions, de nous présenter comme
« des anciens des Baumettes ! ». À la manière d’ex-détenus de la prison marseillaise ! S’ensuivait un long silence. Puis des sourires.
Le récit de vie de Jean-François Téaldi c’est l’histoire d’une double passion chevillée à l’âme. Celle du journalisme et d’un engagement syndical et politique hors du commun. Ses moustaches épaisses à la manière de Jean Ferrat lui conféraient une apparente désinvolture. Toutes celles et ceux qui ont apprécié ce confrère controversé – Jeff ne mâchait pas ses mots – n’effaceront pas de sitôt son regard souriant qui faisait tout son charme.
Tout au long de sa longue carrière de journaliste à Nice-Matin et à France Télévisions, « il n’a rien lâché. Jamais cédé le moindre centimètre de terrain à la facilité. Jamais faibli sur l’éthique. Jean-François ne croyait pas en l’objectivité », indique Stéphanie Gasiglia dans Nice-Matin.
En 1980, très tôt jeune journaliste, il est convaincu, pour assurer l’indépendance de la profession, qu’il faut réunir les journalistes car « l’union fait la force ! » Ainsi, Jeff s’impliquera dans la création du tout premier Club de la presse Nice-Côte d’Azur présidé par Anne De La Valette (RMC) Patrick Visonneau (FR3, Vice-Président), Guy Salignon (Europe 1, Secrétaire général), Michel Vuez (AFP), Jean Crozier (Le Patriote), Bernard Cazeaux (AFP), Guy Porte (Le Monde).
Jeff est resté administrateur du Club de la Presse Méditerranée ces derniers mois.
Le parcours singulier de Jeff nous a incités à lui poser une question. Peut-on être à la fois journaliste syndicaliste et communiste ? Notre confrère l’assurait grâce à ce titre provocateur d’un ouvrage qui pose une question d’ordre éthique sur l’exercice de la profession. « Journaliste, communiste, syndicaliste ».
Jean-François Téaldi est une figure du journalisme télé. Son livre qui fourmille d’anecdotes permet de redécouvrir une partie de l’histoire de quarante années de télévision. Ce qu’il dévoile s’apparente parfois à un polar azuréen. Menacé à plusieurs reprises, il a été à un moment protégé par des gardes du corps.
Jeff a souvent partagé sa vie entre Nice, où il débute à Nice-Matin etoù il fait carrière à FR3, et Paris où par deux fois il est appelé pour diriger le syndicat des journalistes CGT de sa chaîne et pendant plusieurs années le Syndicat National des Journalistes CGT.
Premier rude coup de semonce. 1977 : Michel Bavastro, le patron de Nice-Matin apprend qu’un jeune journaliste de l’agence de Cannes qui donne toute satisfaction à son rédac-chef est en fait un militant communiste très actif. Viré ! Mais Jeff a eu le temps de se distinguer et il est presque aussitôt engagé à France 3 où il débute à la radio. Passionné de foot il a débuté comme journaliste sportif. Mais sa véritable passion est la politique d’abord en tant que reporteur, présentateur du JT, enfin comme intervieweur sans concession du monde politique azuréen.
« Chez moi, il n’y avait ni livres, ni télévision, ni voiture. Ma culture politique et culturelle, je la tiens du Parti communiste. Ça me structure et ça me structurera jusqu’à ma mort », avait confié Jean-François Téaldi à l’un de nos confrères du quotidien L’Humanité. C’est dans cette enfance passée dans une famille ouvrière très modeste de Cannes qu’il faut puiser ce qui a construit le journaliste combattant qu’il était.
Le courage avec lequel il a combattu la maladie force le respect. Un confrère, ami de Jeff témoigne. Philippe Jérôme a été journaliste au Patriote Côte d’Azur, puis correspondant régional à L’Humanité.
« Jeff a traversé tellement de choses ici ou dans ses reportages à l’étranger, écrit tant de livres, s’est tellement battu pour les plus petits et contre l’injustice, a résisté et gagné tellement de combats, pourquoi a-t-il fallu qu’il perde celui-là ? »
Jean-François possédait une qualité. L’écoute courtoise. Nous n’étions pas toujours d’accord. Il savait apaiser les discussions. Je n’oublierai pas un repas du Club de la Presse Méditerranée 06 il y a dix ans. L’invité était le journaliste-historien Thierry Wolton, auteur d’une monumentale histoire du communisme. Jeff s’était présenté comme journaliste communiste ! Wolton avait répliqué : « Il existe encore des communistes ? ». Jeff avait souri. Les deux hommes ont sympathisé. Et ils se sont quittés les meilleurs amis du monde.
Paul Barelli