Le 13 septembre 1982, la princesse Grace et la princesse Stéphanie ont fait une chute d’une quarantaine de mètres avec une Rover que conduisait l’épouse du prince Rainier.
13 septembre 1982, 10h50, rédaction de RMC, 16 boulevard princesse Charlotte à Monaco. Je suis de reportage. L’information nous parvient selon laquelle la princesse Grace aurait eu un accident sur la route entre La Turbie et Cap d’Ail. Je contacte la gendarmerie de La Turbie où, embarrassé, un militaire me confirme, à demi-mot, l’accident. Je fonce sur la départementale 37 qui relie la Principauté à La Turbie.
Soudain, en contrebas d’un virage très serré, en épingle à cheveux, je distingue des véhicules de secours, des policiers, et la Rover 3500 V8 de la Princesse qui s’est écrasée une quarantaine de mètres plus bas en bordure d’un jardin potager.
Des policiers monégasques sont sur place. L’atmosphère est électrique. Comment accéder aux lieux ? Je parviens, en dissimulant mon magnétophone Nagra comme si c’était une sacoche, à franchir le groupe de policiers. Ils ne m’ont pas repéré. Aussitôt, je mesure la gravité et le retentissement de cette tragédie.
Je descends et je distingue la Rover déchiquetée. À cet instant, la princesse Grace a déjà été extraite par les pompiers du véhicule ainsi que la princesse Stéphanie. Toutes deux sont hospitalisées en urgence absolue.
Elles étaient parties vers 9h30 de Roc Agel, la propriété de campagne des Grimaldi. La princesse avait placé plusieurs robes sur la banquette arrière de la Rover. La princesse Stéphanie devait rentrer dans une école de mode à Paris.
« Il était évident que la voiture était pleine et qu’il n’y avait pas de place pour trois. À son chauffeur, la Princesse avait lancé : “Tant pis, je me passerai de vous !” », rappelle Jean des Cars dans sa biographie Inoubliable Grace de Monaco.
Une route très dangereuse
Sur le trajet, vertigineux, le conducteur d’un camion croise la Rover des deux princesses qui prend de la vitesse. Puis, arrivée dans une épingle, elle ne peut échapper à la chute, bascule dans le vide et s’écrase, comme le révèle Nice-Matin, dans le jardin de Jacques Provence, directeur artistique de l’hôtel Loews, devenu le Fairmont Monte Carlo. La famille Provence alerte les secours. Arrivés sur place, les pompiers extraient la princesse Stéphanie et découpent la carcasse de la voiture au chalumeau pour libérer la princesse Grace très grièvement blessée.
Je me souviens d’avoir aperçu la Rover, fracassée, transportée par un énorme engin qui quittait les lieux de la tragédie. Il fallait très vite recueillir un témoignage avant que les policiers n’interdisent tout accès aux lieux. Un horticulteur, Sesto Lequio, a relaté à mon micro l’accident et raconté comment la princesse Stéphanie était parvenue à s’extraire seule par la portière avant gauche, côté conducteur.
Très vite assailli par les medias, il grossit son rôle. Il négociera ses confessions « exclusives » à plusieurs journaux, racontant qu’il avait lui-même extrait l’adolescente par la portière gauche, ce qui fait naître la rumeur que c’était elle qui conduisait la voiture.
La princesse Grace conduisait
Or, cela est faux. C’était en fait une fake news, terme inconnu il y a quarante ans. Dans son livre Grace la princesse déracinée, Bertrand Tessier a retrouvé l’ancien capitaine et commandant de la compagnie de Menton Roger Bencze, qui a enquêté sur l’accident. Il a publié les procès-verbaux de l’enquête ainsi que la photo de la voiture accidentée. Il apparaît que la princesse Stéphanie ne pouvait sortir que par le côté conducteur : le flanc droit de la Rover était à moitié écrasé sur le sol. Compte tenu de la configuration de la route — la montagne d’un côté, le précipice de l’autre —, il est impossible que les deux femmes aient permuté leur position avant l’accident.
Vers midi je regagnais la rédaction de RMC. La direction générale a décidé de pas diffuser mon entretien au micro avec l’horticulteur.
Une décision qui apparait avec le recul prudente compte tenu des rumeurs les plus folles qui se sont répandues par la suite dans le monde entier.
Paul Barelli