Un exemple de coopération artistique franco-américaine sur la Côte d’Azur

CPM06 12 avril 2022 0

Dans quelques jours, la chanteuse américaine de jazz, Erica Papillion-Posey va débuter sa première tournée internationale sur la Côte d’Azur (20-24/04). Elle sera accompagnée par les niçois du Spirale Trio avec qui elle a déjà fait son 1^er festival de jazz au monde, le 12 juillet dernier pour les 40 ans du Saint Raph’ Jazz. Tout est parti d’une rencontre et interview au Midem en 2017…

La curiosité du journaliste

Quand vous êtes journaliste accrédité dans un événement mondial comme le Midem, vous êtes submergé de mails d’informations et d’invitations même si vous ne représentez pas un média national hyper connu comme c’était mon cas en 2017…

Le temps où des grands noms venaient se produire était fini mais cela n’arrêtait pas le journaliste curieux et instinctif que je suis. Dans ce flots de messages, celui d’un producteur américain qui souhaitait me présenter son « catalogue ». Au milieu, une artiste «jazz », Erica Papillion-Posey, totalement inconnue. Recherche d’infos sur le web et intrigué, je sollicite une rendez-vous pour une rencontre informelle avec les deux et qui sera très chaleureuse. Ne pouvant rester pour le showcase du soir à Cannes, je demande le dernier album » From the deep » pour écoute avant de revenir le lendemain pour une éventuelle interview.

C’est le choc! Avec cette voix si particulière, je sens que je dois en savoir plus sur elle. Dans la nuit, je prépare mes questions dans les deux langues pour ne pas perdre de temps lors de l’enregistrement qui va se dérouler dans le brouhaha de la terrasse du salon VIP et en traduction simultanée des deux côtés.

Lors de la diffusion que j’avais bien annoncée sur les réseaux, l’émission avait atteint un surprenant pic d’audience et récolté un flot de commentaires très positifs, voire élogieux sur cette découverte.

La chanteuse, enthousiaste, m’évoque son retour en 2018 – sans le producteur de 2017- et me demande de lui trouver des musiciens locaux pour l’accompagner pour un éventuel concert et quelqu’un pour l’aider à promouvoir sa carrière en France, plus particulièrement dans cette région qu’elle adore, la Côte d’Azur… Et pourquoi pas moi ? Avec mes réseaux musicaux tissés pendant mon activité chez harmonia mundi à Nice, mon expérience de RP et d’organisateur, je relève le défi.

Le rôle de passeur musical

Redoutable challenge que de trouver un trio de locaux, prêt à rentrer dans un répertoire inconnu tout comme l’artiste vocale et pour un seul concert ! Tout de suite je pense aux niçois du Spirale Trio, que je connais un peu, vu sur quelques scènes et dont j’ai apprécié le comportement en ouverture du Nice Jazz Festival 2017. Allaient-ils accepter ma proposition, rentrer dans sa musique ? C’est à mon tour de faire le «passeur musical » de chaque côté de l’Atlantique sans savoir si la connexion va s’établir… Quand on se trouve avec des pros de grand talent, la partition initiale est plus facile à lire… Nous nous retrouvons physiquement ensemble et pour la première fois le matin de ce premier concert privé le 08 juin 2018 pour une seule répétition de deux heures et j’ai soudain le sentiment que le quartet se connaissait bien avant tellement l’ambiance est bonne.. De bonne augure avant l’entrée dans l’arène devant le public ! Belle assistance pour cette première prestation, osmose magnifiquement réalisée à tel point que la décision est prise que ce sera avec SpiraleTrio pour les prochains concerts ou festivals.

Mon premier vol trans-atlantique

Au début de l’été, je reçois un mail qui me demande si je suis intéressé pour assister au concert de crowdfunding du prochain album fin septembre à… Denver. Incroyable mais vrai! Erica et son mari Isadell s’occuperont des billets d’avion et me logeront ! Je n’ai jamais pris l’avion pour aller aussi loin, jamais mis les pieds aux USA, mon passeport est ultra périmé.C’est là que je découvre le fameux formulaire E.S.T.A à télécharger sur le web site du Department of Homeland Security, mis en place par Bush après le 11 Septembre. Obligatoire pour avoir le droit de pénétrer sur le sol américain et d’y séjourner.

Mi- septembre , nouveau mail avec les billets d’avions et le plan de vol. Deux escales entre Nice et Denver ( Colorado) à Londres et New-York. A JFK, j’ai vraiment senti le changement ! Premier « entretien » avec un ordinateur qui vérifie que vous êtes la bonne personne et avec autorisation mais gare à la mauvaise manipulation car pas d’ aide humaine, c’est trop grand ! Incalculable nombre de cases à remplir sur un petit écran… Questionnaire fini, je me dirige vers le 1^er contrôle qui s’aperçoit que je n’ai pas le reçu de la machine… Avec mon anglais à fort accent français je prouve ma bonne foi et j’arrive à un nouveau check-point où un employé me questionne sur le motif , le lieu de mon séjour et autres points. Rien à cacher, il voit que je suis honnête surtout que je dois prendre ma correspondance pour Denver sur American Airlines et que je n’ai pas beaucoup de temps.Sans parler que je dois récupérer ma valise et traverser tout l’aéroport en courant et tirer mon lourd bagage . Essouflé j’arrive à la bonne porte, quelques minutes avant la fin de l’enregistrement. Ouf ! Je n’ai toujours pas dormi avec les 8 heures en moins qu’à Nice.

Une autre suite d’une interview…

Après une journée de repos, place à l’événement où la tenue de soirée est de rigueur. Erica et son mari, le chef de la nouvelle caserne de pompiers de la cité résidentielle autour de Denver avaient tout prévu et organisé. Je me retrouve dans un studio mythique où les grands noms sont en photos sur les murs comme Miles Davis, au milieu d’une cinquantaine de personnes de la communauté afro-américaine, le seul européen et français. Devant l’assistance, l’artiste me remercie d’avoir été le premier journaliste en Europe à l’avoir interviewé pour le jazz. Le lendemain, nouvelle invitation mais cette fois à la Dever Music University où Erica a suivi le cursus complet du jazz et été primée. On lui a demandé d’être speaker de la cérémonie des diplômes .

Ce soir là, dans cette même ville de Denver, se produisait le plus célèbre de la nouvelle génération des pianistes cubains de jazz, Harold Lopez Nuzza en trio. Je l’avais interviewé en 2011 au festival de jazz d’Antibes Juan les Pins pour un mensuel culturel du Sud-Est . Nous sommes restés en contact et avant mon départ de Nice, je lui avais envoyé un message pour lui annoncer que je serai moi aussi à Denver et j’aimerai bien le revoir en concert. « No problem » m’avait-il répondu mais je ne savais pas que je serai invité par Erica sur un autre évènement, heureusement pas tout à fait à la même heure. Naturellement, j’en avais informé mon hôtesse qui m’avait assuré que tout serait fait pour que j’assiste aux deux. Ce fut le cas grâce à son mari qui m’a accompagné dans ma «sortie » pour me conduire dans la salle de concert à l’autre bout de la ville. Déception de constater la faible affluence pour mon ami pianiste mais satisfaction de voir enfin arriver la vocaliste pour venir saluer le trio en loges et faire connaissance. Une belle rencontre humaine et artistique ponctuée par la photo souvenir.

Son premier festival et sa première tournée en Europe

Pour ma dernière soirée, mes hôtes m’avaient réservé l’immense surprise de m’inviter au Dazzle de Denver, l’un des cent plus importants clubs de jazz au monde. C’est gravé à vie dans ma mémoire et je me rappelle encore chaque instant, chaque image de ces trois fantastiques soirées !

Le Dazzle, un des 100+ importants clubs de jazz au monde

Le matin de mon départ, je découvre sur mon smartphone l’annonce du décès de Charles Aznavour et mon cri de stupéfaction alerte Erica à qui j’explique les faits. Très touchée car c’est un artiste qu’elle admire énormément, elle me parle à nouveau de son amour pour la France et ses artistes. C’est ce matin là que l’idée de lui rendre hommage dans le futur album « Better Angels » est sortie tout comme ma suggestion sur «La Bohême ».

Erica Papillion-Posey et le Spirale Trio aurait dû faire le festival de Saint-Raphaël en 2019 mais l’un des musiciens n’était pas libre. Le report était prévu en 2020 mais vous savez ce qui a bloqué tous les événements… Fidèle à sa parole et en amitié, le directeur artistique varois a reprogrammé le quartet pour 2021 et c’est ainsi que le 12 juillet, Erica et les niçois ont fait leur premier concert en Europe dans un festival. C’était pour les 40 ans de ce festival varois !! Elle fait le voyage spécialement des USA pour cet unique concert, tellement elle avait envie de jouer en France et sur la Côte d’Azur.

Son premier rêve venait de s’exhausser, pour elle la petite fille noire, adoptée très jeune par une famille de la Nouvelle-Orleans, la patrie du jazz et du swing mais à qui on ne promettait que l’armée ou le couvent comme perspectives de carrière en raison de sa couleur de peau et de son origine sociale. Grâce à une bourse, elle se dirigea par « obligation » vers le lyrique mais y pris tellement goût en faisant également preuve de talent qu’elle a conquis ses lettres de noblesse dans un certain nombre d’Etats avant de faire une tournée européenne.

Mais la passion du jazz est restée la plus forte- sans renier son passé lyrique- et elle s’est mis écrire, composer, produire ses albums, son dernier est sorti juste avant la pandémie et elle n’a pu le défendre.

Son autre rêve, de faire une tournée sur la Côte d’Azur va se réaliser du 20 au 24 avril prochains avec une ouverture dans le fameux lieu qu’est La Note Bleue à Monaco.

En juillet prochain, elle fera trois concerts dans un autre prestigieux festival de la région « Les musicales dans les vignes » où le quartet se produira dans les jardins des plus grands domaines viticoles.

Dire que tout cela est venu d’une interview improbable pour une web radio…