La plupart des rédactions ont contribué à l’émergence du phénomène Zemmour. Cela s’inscrit dans la logique mercantile du « buzz » médiatique, amplifiée de manière exponentielle par les réseaux sociaux. La gigantesque boutique des médias se nourrit avec voracité des polémiques. Rusé, Éric Zemmour l’a parfaitement compris. Je le soupçonne de prendre des positions auxquelles il n’adhère pas en privé pour le simple plaisir de semer le trouble ! Procès d’intention, rétorquera-t-il, à juste titre.
Surmédiatisation
Une chose est sûre. Désormais, il se révèle impérieux au sein de chaque rédaction de s’interroger sur la responsabilité éditoriale quant à la sur-couverture des meetings et autres réunions du chroniqueur du Figaro. Il ne s’agit pas de censurer Éric Zemmour. Mais d’analyser les facteurs qui l’ont porté sur le devant de la scène politique. Et par voie de conséquence traiter avec mesure ses actions.
Le 25 octobre, plus de 160 journalistes ont signé une tribune dans Mediapart. Au nom d’un collectif intitulé « Journalistes pas complices de la haine », ces confrères se décrivent comme des journalistes « respectueux des valeurs démocratiques ». Ils assument de vouloir « invisibiliser » et même « combattre » certaines personnalités politiques.
Sans jamais le nommer, ils visent Éric Zemmour. Ils estiment que les journalistes qui traitent « avec jubilation » des idées du polémiste sont « complices de la pire des idéologies » : le « fascisme ».
Cette incitation à effacer le personnage Zemmour du paysage politique peut s’apparenter à une certaine forme de censure. Ce qui le conduira à se présenter comme « victime » du système médiatique. Brèche dans laquelle il risque de s’engouffrer.
La nécessaire autocritique de la profession
Face à la « Zemmourisation » médiatique, il est temps de se livrer à une lucide autocritique de notre profession. Comme l’avait initié depuis de nombreuses années Jean-François Kahn.
Il s’est insurgé contre une vieille pratique journalistique, le « panurgisme ». Les médias, tels les moutons de Panurge, traitent des mêmes sujets, se copient les uns les autres. À la moindre intervention d’Éric Zemmour, ils couvrent .
Hantés par la crainte de rater un scoop, ils contribuent à amplifier le poids réel politique du probable candidat. Rares sont les rédactions qui ont fait le choix de ne pas traiter ce qui concerne le chroniqueur.
Informer, c’est faire des choix, sans parti-pris idéologique. Et même celui de filmer Éric Zemmour, braquant au salon international de la sécurité un fusil d’assaut en direction des journalistes !
Paul Barelli