Europe 1 agonise. Cette légendaire radio « périphérique » vit-elle ses dernières semaines dans son format actuel de station généraliste qui fut dans le peloton de tête des radios durant plusieurs décennies ? Fondée en 1954, cette station se meurt. Est-il possible de sauver le soldat Europe 1 ? La crise qu’elle traverse semble fatale. L’audience chute, les pertes financières s’accumulent. L’identité s’est brouillée en raison des changements incessants de la grille des programmes, ainsi que des changements de dirigeants.
« Faute de vision stratégique, son actionnaire, Arnaud Lagardère, n’a jamais été à la hauteur de son rôle, souligne Le Monde. Cette accumulation de déconvenues ne pouvait que se terminer par une grave crise. La prise de contrôle rampante de la station de radio par Vincent Bolloré la révèle au grand jour ».
La peur de se métamorphoser en média « d’opinion »
Les salariés d’Europe 1 s’inquiètent du rapprochement avec CNews, la chaîne d’info du groupe Canal+. Le même actionnaire principal est le milliardaire Vincent Bolloré, qui contrôle Vivendi et sa filiale Canal+. Le personnel d’Europe 1 redoute de la voir se métamorphoser en « média d’opinion » au gré des « ponts » annoncés à la mi-mai avec CNews, une chaîne « très à droite, voire parfois à l’extrême-droite », selon les mots de l’intersyndicale et de la SDR, société des rédacteurs.
Pour la première fois de son histoire, la rédaction a lancé le 18 juin une grève très suivie durant cinq jours. Les salariés d’Europe 1 ont levé la grève le 23 juin. La direction s’est engagée à faciliter les départs de ceux qui ne se reconnaîtraient pas dans les rapprochements amorcés avec CNews.
« La grève s’arrête mais la mobilisation n’est pas terminée », a affirmé Olivier Samain, délégué syndical du Syndicat national des journalistes (SNJ). La présidente de Lagardère News, qui détient Europe 1, Constance Benqué, s’est engagée à « ouvrir des discussions sur une sorte de clause de conscience qui puisse permettre à ceux qui voudraient partir de le faire » avec des indemnités, comme le réclamaient les grévistes.
La rédaction reste mobilisée
Cet engagement « n’était absolument pas envisageable il y a encore une semaine », a estimé Olivier Samain, évoquant de possibles négociations « plus approfondies à la rentrée ». Au sein de la rédaction, les prétendants au départ pourraient être nombreux, estime un journaliste. Car la direction ne s’en est pas cachée, « Bolloré va tisser sa toile ».
Les « synergies »avec CNews ont été officialisées le 21 juin par Arnaud Lagardère. Le patron du groupe du même nom, dont il perdra, à la fin de juin, le contrôle absolu, l’assure : « Vincent Bolloré est un atout, pas une menace. » Et le dirigeant d’invoquer les pertes financières d’Europe 1 (26 millions d’euros en 2019 et 2020).
Climat délétère à Europe 1
Le climat est délétère au sein de la station. Des grandes voix s’apprêtent à quitter l’antenne. 64 anciens de la radio, dont Anne Sinclair et Stéphane Paoli, ont lancé un cri d’alarme le 17 juin dans une tribune au Monde face au « danger grave et imminent auquel doit faire face la station. » Ils redoutent une « ligne éditoriale partisane en rupture totale avec la longue histoire de cette station, pionnière de la radio moderne ».
Europe 1 est-elle il destinée à devenir un média d’opinion à l’instar de CNews ? La rédaction est, pour l’heure, très mobilisée.
Parviendra-t-elle à sauver le soldat Europe 1 ?
Paul Barelli, vice-président du club de la presse 06.
Ex-reporter à RMC et ex-correspondant du Monde à Nice.