Paul Barelli, alors reporter à RMC, a couvert en 2001 le sommet du G8 à Gênes marqué par de très violentes émeutes.
Le 20 juillet 2001, lors du sommet du G8 à Gênes, les black blocs, malgré
la présence de 16 000 membres des forces de l’ordre, des unités anti-émeutes
hyper violentes, sont parvenus, comme à Paris, à dévaster les rues de Gênes qui
n’étaient pas situées dans la « zone rouge » où se réunissaient les
chefs d’État des pays industrialisés.
Les forces de l’ordre sont-elles impuissantes face aux black blocs ? Jusqu’à présent, ces casseurs de l’ultra gauche qui ont infiltré les manifestants du 1er Mai à Paris et le 16 mars aux Champs-Elysées sont passés au travers des mailles du filet policier. Il en est de même à Seattle en 1999 au sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et à Gênes en 2001. Le phénomène black bloc est apparu à Berlin dans les années 1980 : de jeunes gens, plutôt issus de l’extrême-gauche, s’affrontaient déjà avec les forces de l’ordre.
Il existe des similitudes entre les violences de ces casseurs à Paris et à Gênes. D’abord dans le mode opératoire. Les black blocs sont arrivés sur la « pointe des pieds » à Gênes, en ordre dispersé, se mêlant aux altermondialistes dans des vêtements de vacanciers. La police italienne qui était sur les dents n’était pas parvenue à localiser et à les interpeller en amont du gigantesque rassemblement de 300 000 personnes qui s’étaient déplacées à Gênes du 20 au 23 juillet 2001.
Lors de la première manifestation des altermondialistes, j’avais été surpris par la présence d’individus casqués, porteurs de lunettes de piscine, parfois de masques anti-gaz lacrymogènes. Ils étaient très mobiles.
Soudain, j’ai vu quelques black blocs jeter des cocktails Molotov vers les policiers et dans le cortège des manifestants ! Objectif : créer un double état de tension au cœur du défilé et parmi les policiers. Vision incroyable : ils n’ont pas hésité à prendre d’assaut le centre de presse que les carabiniers ont eu du mal à sécuriser !
Depuis peu, les black blocs se sont équipés : ils communiquent sur des réseaux sociaux de messagerie cryptés. Mais leur stratégie est quasi identique à celle déployée à Gênes. Ils essaimaient en petits groupes leur violence : jet de pavés, destruction de mobilier urbain afin de saturer les forces de l’ordre… Ensuite, ils se repliaient en « bloc ». Cette technique de recomposition.perpétuelle est propre à un schéma qui évoque des scènes de véritable guérilla urbaine. Car c’est bien de cela dont on a été témoin.
Guérilla urbaine à Gênes
Je n’oublierai jamais le déferlement de violence de ce vendredi 20 juillet. L’immense manifestation des anti-G8 a vite basculé dans l’émeute. Les premiers incidents sont partis des rangs d’un mouvement altermondialiste qualifié de « pacifique » (cela renvoie aux gilets jaunes, casseurs ou non !).
Certains militants ont jeté des pavés contre les policiers en justifiant leur violence comme un « acte de désobéissance civile » ! Les black blocs, profitant des violents affrontements au cœur de la cité, s’en sont pris à des banques qu’ils ont en partie incendiées. J’ai vu détruire des distributeurs de billets arrachés à coup de perceuse de chantier ! Les mêmes images qu’à Paris. Sauf qu’il y a eu mort, un jeune contestataire, Carlo Giuliani, tué par un carabinier.
Là cesse la comparaison avec le sommet de Gênes qui a été marqué par un déferlement de violence policière. En particulier en marge du sommet. Des manifestants ont été, par la suite, torturés, avait reconnu dans La Repubblica Franco Gabrielli, le chef de la police italienne en juillet 2017 : « La gestion de l’ordre public au G8 fut tout simplement catastrophique. A Gênes, un nombre incalculable de personnes innocentes ont subi des violences physiques et psychologiques qui les ont marquées à vie »,
Il aura fallu seize ans après la mort du jeune manifestant Carlo Giuliani, le 20 juillet 2001, pour que les autorités italiennes reconnaissent officiellement leurs responsabilités.
Au terme de trois jours d’émeute le bilan est d’un mort, 600 blessés du côté des manifestants, près de 200 voitures brûlées, des dizaines de banques et stations-service détruites. En juillet 2012, sur treize hauts responsables de la police accusés de “coups et blessures”, “perquisitions arbitraires” et “fabrication de fausses preuves” pendant le G8 , seuls sept ont été condamnés.
Il s’agit selon Amnesty International de la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la seconde Guerre mondiale.
Paul Barelli